Le syndrome de Lynch
Ce syndrome constitue la principale prédisposition héréditaire au cancer colorectal et de l’endomètre et est en cause dans 3 % des cancers colorectaux et 2 % des cancers de l’endomètre. Ce sont des anomalies génétiques situées sur un des quatre principaux gènes en cause qui sont responsables de ce syndrome. Ces gènes sont impliqués dans la réparation de l’ADN et ils tirent leur nom de famille de cette fonction : ce sont les gènes MMR, pour réparation des mésappariements de l’ADN (Mismatch repair), c'est-à-dire lorsque les deux brins de la double hélice de l’ADN sont mal appariés. Ces gènes ont la fonction de réparer l’ADN en cas d’un mésappariement et cette fonction est d’autant plus importante que les cellules se divisent plus rapidement. Il a été montré que le taux de mutations était de deux à trois ordres de grandeur supérieur dans les cellules ayant un déficit de la voie MMR, ce qui survient quand la mutation héritée sur le gène MMR est suivie d’une deuxième mutation dans une cellule de l’organisme 1. C’est pourquoi le côlon dont les cellules se divisent de façon permanente est plus susceptible de développer une tumeur lorsque ces gènes sont touchés. Les cellules qui tapissent la cavité interne de l’utérus, appelée endomètre, se divisent aussi beaucoup et se régénèrent tous les mois lors des cycles menstruels. C’est pourquoi l’endomètre est aussi un site de développement des tumeurs dans le syndrome de Lynch. D’autres organes sont aussi susceptibles de développer des tumeurs, notamment l’intestin grêle, l’ovaire et les voies urinaires excrétrices (urothéliales) et les glandes sébacées. On décrit également, dans ce qui est appelé le spectre élargi du syndrome de Lynch, des tumeurs de l’estomac, des cancers du pancréas, des cholangiocarcinomes, des tumeurs du système nerveux central (gliomes et glioblastomes).
Dans la population générale, on estime qu’environ 1 personne sur 270 est porteur d’une anomalie génétique sur un des 4 gènes MMR principaux responsables du syndrome de Lynch (MLH1 : 1 sur 1.946, MSH2 : 1 sur 2.841, MSH6 : 1 sur 758, PMS2 : 1 sur 714)2 . Ces estimations peuvent varier d’une population à l’autre.
Les tumeurs qui surviennent dans le contexte du syndrome de Lynch surviennent plus tôt que celles de la population générale. Cette précocité d’apparition est liée au fait qu’une anomalie génétique est présente dans les cellules et que moins d’évènements génétiques sont nécessaires dans une cellule pour qu’une tumeur survienne et progresse. Les tumeurs ont des caractéristiques particulières qui permettent de les évoquer et c’est l’anatomopathologiste et le laboratoire de biologie moléculaire qui les recherchent et qui pourront orienter vers ce diagnostic par la perte d’expression d’un ou plusieurs gènes MMR dans la tumeur ou l’instabilité des microsatellites (retrouvée dans 15% des tumeurs du colon). Parfois, la tumeur a des caractéristiques similaires à celles observées au cours d’un syndrome de Lynch mais il s’agit d’une anomalie de fonctionnement d’un des gènes MMR, le gène MLH1, qui est acquise dans la tumeur (par hyper-méthylation de son promoteur), mais qui n’est pas présente chez le patient au niveau de son organisme. Aucune mutation ne sera transmise à la descendance dans ce cas. La recherche de la mutation BRAF V600E est intéressante dans ces cas, car lorsque la mutation est présente, cela permet d’éliminer un syndrome de Lynch.
Les antécédents familiaux sont souvent évocateurs de la prédisposition héréditaire. Le diagnostic génétique est fait en priorité chez une personne qui a développé une tumeur du colon ou de l’endomètre et ce diagnostic est orienté par les résultats obtenus sur la tumeur du cas index. Quand l’anomalie génétique est identifiée, permettant de porter le diagnostic de syndrome de Lynch, on peut la rechercher chez les apparentés indemnes qui le souhaitent. La recherche de l’anomalie génétique peut également se faire chez une personne indemne lorsque les antécédents familiaux sont très évocateurs du syndrome de Lynch et que les apparentés atteints ne peuvent pas être analysés (sujets décédés ou éloignés, ou refusant le test).
La découverte d’une anomalie génétique de type Lynch a des conséquences importantes pour les personnes qui ont développé une tumeur comme pour les personnes indemnes.
Pour les personnes qui ont développé une tumeur, cela impacte leur traitement car les caractéristiques de la tumeur la rendent sensibles, dans de nombreux cas, à l’immunothérapie qui consiste à débloquer les défenses immunitaires contre la tumeur par un traitement. En effet, les tumeurs liées au syndrome de Lynch ont un taux de mutation important (du fait que le système de réparation de l’ADN ne fonctionne pas bien) qui créent des cibles nouvelles pour les défenses immunitaires de l’hôte. L’immunothérapie est une voie thérapeutique supplémentaire qui donnent des résultats positifs dans 8 cas sur 10 au prix d’effets indésirables parfois sévères (dans 2 cas sur 10). Cette nouvelle voie thérapeutique va surement modifier de façon importante les protocoles de traitement. De nombreux essais thérapeutiques sont en cours pour améliorer encore les résultats de l’immunothérapie et obtenir une réponse dans une proportion plus importante de patients.
Chez les sujets indemnes mais porteurs d’une anomalie génétique responsable de syndrome de Lynch, il est très important de faire le diagnostic jeune pour que les mesures de surveillance et de prévention puissent être mises en place. La surveillance comportera essentiellement des coloscopies et des endoscopies oeso-gastro-duodénales à intervalles réguliers et, pour les femmes, une surveillance de l’endomètre et de l’ovaire. Le détail de ces mesures de surveillance et de prévention est adapté à chaque âge.
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Kinzler, K. W. & Vogelstein, B. Lessons from hereditary colorectal cancer. Cell 87, 159–170 (1996).
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Win, A. K. et al. Prevalence and Penetrance of Major Genes and Polygenes for Colorectal Cancer. Cancer Epidemiol. Biomark. Prev. Publ. Am. Assoc. Cancer Res. Cosponsored Am. Soc. Prev. Oncol. 26, 404–412 (2017).